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moindre de ses faiblesses et… j’ai forcé ma fiancée à se taire. Vous en auriez tous fait autant.

Dans ces derniers temps, j’ai demandé cette confidence, elle m’a été impitoyablement refusée. Je n’ai pas insisté, je savais que c’était inutile ; du reste, avais-je besoin d’indications précises, moi, pour deviner alors et vous dire aujourd’hui qui elle est ?

Non ; vis-à-vis d’elle mon cœur ne peut se tromper. La pupille de M. de Sauvetat n’était pas une étrangère jour lui ; ce n’était pas seulement les liens de l’adoption ou de la reconnaissance qui les unissaient ; et si New-York, la grande cité du mouvement et de l’égoïsme, a été muette, mon affection, à moi, ne pouvait s’égarer : ils étaient tous deux du même sang, j’en suis sûr, Marianne était…

À ce moment l’accusée se leva violemment.

Pâle, les traits bouleversés, en proie à une épouvante terrible, elle se pencha vers son défenseur.

— Jacques, s’écria-t-elle, taisez-vous !… Vous oubliez vos promesses, vous êtes un homme d’honneur, vous ne devez pas ajouter un mot de plus, je vous le défends !…

Cet incident provoqua dans l’auditoire une rumeur impossible à calmer.

Les jurés eux-mêmes paraissaient extrêmement émus.

— Supérieurement bien joué, murmura le ministère public en se tournant vers M. Drieux.

— Elle est très forte, je vous l’avais dit, répondit ce dernier.

Il fallut l’intervention des huissiers pour rétablir le silence.

Enfin, le président exprima la pensée de chacun :

— Maître Descat, dit-il, vous n’avez pas le droit de vous taire ; il n’y a ni serment, ni considération intime,