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quelque temps, M. de Sauvetat avait pour sa femme une aversion que je m’explique très facilement aujourd’hui. Quant à cette dernière, elle devenait chaque jour plus affectueuse, rejetant sur la souffrance et la maladie l’irritabilité de son mari. Ainsi, le soir de sa mort elle a été plus admirable que jamais. Toute la journée, M. de Sauvetat, qui parlait à peine et ne remuait presque plus, n’avait enduré que Marianne à ses côtés, repoussant sa femme avec des regards terribles à défaut de paroles. Madame Blanche, dans un coin de la chambre, pleurait et priait. Mais lorsqu’elle a senti vraiment le moment suprême approcher, son désespoir est devenu indicible. Elle se roulait au pied du lit où agonisait celui qui l’avait méconnue ; elle couvrait de baisers et de larmes ses mains inertes, elle voulait mourir avec lui, ou lui donner la moitié de sa vie pour prolonger ses jours, comme si cela était possible !

Était-elle alors belle et touchante ! Tout le monde pleurait, excepté cette misérable fille.

Jacques bondit à ces mots, mais un juré se levait pour interroger le docteur, et le jeune homme se contint.

— Le mourant n’a-t-il pas éprouvé une certaine émotion devant les larmes de sa femme ? demanda-t-on à M. Delorme.

— Hélas ! s’empressa de répondre l’ami de Blanche d’Auvray, il n’avait plus sa connaissance, il est mort un quart d’heure après !… S’il avait entendu et vu cette scène de désespoir, il aurait peut-être alors apprécié celle qui avait partagé sa vie ; mais il était trop tard. Dieu n’a pas voulu lui donner cette dernière consolation, ajouta-t-il d’un ton béat.

— C’est là tout ce que vous avez à dire ? interrogea le président.