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voir, n’en comprenant pas l’importance, ou bien parce qu’on s’est refusé à vous les montrer ?

— Je les ai demandées plusieurs fois, je le jure ! exclama le petit docteur.

Et avec un geste comique, il leva du même coup sa main et son chapeau.

— La fille Marianne affirme n’avoir jamais reçu de vous à cet égard la moindre demande.

— C’est une malheureuse, Monsieur, une malheureuse ! répéta M. Delorme en accompagnant cette assertion d’une espèce de sifflement qui lui était particulier.

— Vous étiez admis dans l’intimité de la famille, qu’avez-vous remarqué dans les relations qu’avaient entre elles les diverses personnes qui la composaient ?

— Madame de Sauvetat est un ange de vertu, de patience et de dévouement. Son mari était brusque avec elle, violent, hautain ; elle ne répondait jamais et pleurait en silence. Je le sais, moi, car j’ai été son confident, surtout dans les derniers jours de la maladie où des scènes muettes, mais terribles, se renouvelaient fréquemment. Un médecin voit tant de choses autour de lui ! ajouta le docteur.

En disant ces mots, il recherchait évidemment un succès semblable à celui qui, un instant auparavant, avait accueilli sa déclaration d’intimité avec la jeune veuve. Comme il ne vint pas, il se décida à continuer :

— Pauvre femme, a-t-elle souffert ! Ah quel cœur !… La résignation avec laquelle elle tout accepté était vraiment admirable ?

— Saviez-vous que M. de Sauvetat laissât un legs aussi considérable à l’accusée et déshéritât sa femme de la jouissance de sa fortune et de la tutelle de sa fille ?

— Non, Monsieur, cela ne m’étonne pas ; depuis