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juge, faites cela et je pars ce soir aux extrémités du monde ; je lui laisserai croire que j’ai peur, que je doute, que je l’abandonne… Après cette infamie elle m’oubliera, et vous la consolerez, vous lui donnerez votre nom, vous qui la méritez mieux que moi.

M. de Boutin, le visage inondé de larmes, attira jusqu’à ses lèvres la tête pâle du jeune homme.

— Quel riche et brave cœur vous avez, Jacques, dit-il, et que votre généreuse nature vous emporte loin, au delà des bornes du possible ! Marianne n’est pas une femme qui peut oublier, vous le savez bien, et moi je suis de ceux qu’une loi inexorable condamne à souffrir ; mais j’accepte cette loi sans aigreur et sans révolte, me faisant une suprême joie du bonheur de ceux que j’aime. Ah ! Jacques, tout ce qui est humainement possible, je l’ai essayé !… Elle, malheureuse ! vous, absent, mon fils bien-aimé… Quels stimulants pour mon cœur ! Si je n’ai pas réussi, c’est que je me suis heurté contre l’impossible, soyez-en certain.

— Mais durant vos enquêtes, dans la maison, n’avez-vous pas trouvé une preuve, un bout de papier, un mot contre l’une, et qui décharge l’autre ?

— Rien. Partout avant moi, deux femmes avaient passé. Il y a trois mois que je tente tous les jours des miracles. Croyez-vous que si je n’avais pas espéré, dès la première heure, découvrir ce qui aurait échappé à d’autres, j’aurais accepté ce rôle atroce pour moi d’instruire contre elle ? Non. Pendant que M. Drieux inventoriait du haut en bas la maison de Sauvetat ou s’attendrissait sur la douleur de la veuve, patiemment, sans que personne y prit garde, je cherchais, j’examinais, je fouillais partout. J’ai tout scruté, les papiers du mort et les souvenirs des vivants.

J’ai demandé à tous les murs, à toutes les tentures,