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fice presque au-dessus des forces humaines, je ne vous demanderais pas de me laisser avilir, d’y consentir et de vous taire. Mais à vous, l’honneur incarné, j’ose dire :

— Pardonnez-moi de vous faire souffrir, mais il faut que je paie une dette. Vous qui n’avez jamais manqué à votre parole, Jacques, voulez-vous que votre femme soit parjure ?

Sa générosité naturelle grandit à la pensée de ce dévouement sans nom, sa joue pâle s’anima.

— Courage, continua-t-elle, je sens que je vous serai rendue, mais soyez fort et plus tard… qui sait ?…

Jacques se méprit au sens de ces paroles.

— Ah ! s’écria-t-il, elle consent, elle se laissera sauver ! Fou que je suis, comme si j’avais besoin de confidences, comme si je ne pouvais pas seul retrouver le fil de la trame où ils me l’ont enserrée !…

Elle l’arrêta du geste.

— Vous ne me comprenez pas, Jacques. S’il y a une coupable, et il y en a une, fit-elle en appuyant tristement sur ces mots, ce doit être moi. Il faut que le nom de Sauvetat demeure intact ! Il faut que cette orpheline, qui est presque ma fille, vive heureuse et honorée. Protégez-moi, défendez-moi, cela me sera une joie suprême ; mais pas de preuves contre d’autres, pas de faits articulés, pas de mystères approfondis.

Sa voix s’altéra pendant qu’elle continuait.

— Il y en a qu’un amour comme le vôtre finirait par découvrir ; mais c’est ce que je vous défends formellement. Où la justice a été aveugle par impuissance, je veux que vous le soyez par volonté. Agir autrement serait me perdre sans retour, je vous le jure !

— Mais c’est de la folie !… mais on ne sacrifie pas plus que sa vie, son honneur, pour des étrangers, quel