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pleuré et sangloté de bonheur ; j’ai prié, j’ai appelé ma mère, je lui ai tout raconté !…

Tout ! Ah ! oui ! c’est que bien longtemps avant que tes yeux aient parlé, que ta bouche ait souri, je savais que tu m’aimais. Je connaissais le secret de ton cœur, et le mien était à toi.

Mon amour ! l’as-tu compris et deviné, Jacques ? Sais-tu de quoi il est fait, de quoi il est capable ? Crois-tu que ta Marianne, ta fiancée, ta femme, comme tu l’appelles, t’aime comme on aime ici autour de nous, avec les exaltations factices de passions éphémères, ou les calculs mesquins de l’égoïsme qui raisonne ?

Non, à partir du moment où je t’ai donné mon âme, il n’y a plus eu qu’un être pour moi sur terre : toi. En dehors de toi, rien n’existait, rien ne vivait. Le jour, ton souvenir ne me quittait pas ; la nuit, ton image hantait mes rêves, et, mêlée à celle de mon père, vous m’enseigniez tous deux la persévérance et l’honneur.

En fermant les yeux, je te revoyais, avec ton doux regard, cette expression de tendresse infinie qui est la tienne, quand tu me parles ; j’entendais le son de ta voix, elle m’enveloppait comme une ardente caresse ; loin de toi, je ne pensais plus.

Lorsque tu t’éloignais, la vie se suspendait en moi, je baisais les objets que tu avais touchés, si tu revenais vers moi, mon cœur s’arrêtait de battre ; quand tes yeux rencontraient les miens, je me sentais mourir !

— Tu m’aimais, balbutia Jacques, et je n’ai pas osé le comprendre ! quel irréparable malheur ! Tu serais ma femme aujourd’hui !

— Ta femme, répéta-t-elle avec une expression de bonheur infini, ta femme ! que de choses dans ce mot !