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que je ne vis que pour vous, que je vous appartiens tout entier.

J’ai foi en vous comme le nègre a foi dans son fétiche, je sais qu’en vous tout est noble, grand et pur. Vous avez voulu me taire votre nom et votre origine, et moi je vous ai offert le nom que mon père m’a transmis honnête et honoré. Jamais, je m’y engage, je ne vous demanderai ce secret qui est pour vous une souffrance. Vous serez pour moi l’ange qui a sa patrie là-haut et qui n’a pas de nom sur terre ; vous serez comme ces eaux salutaires de nos montagnes, qui donnent la vie, mais qui cachent leur source.

Vous me laisserez vous adorer en silence, sans me le rendre si vous le voulez ; mais ne me refusez pas de vous enlever d’ici, de faire éclater votre innocence, de sauver votre honneur qui est le mien.

Vous vous taisez ! ah ! vous êtes sans pitié ! Vous ne m’aimez pas, je suis maudit !

À ces mots, Marianne saisit la tête de Jacques, et, la couvrant de baisers :

— Tais-toi, dit-elle, ne blasphème pas, tais-toi !

Ah ! continua-t-elle d’une voix sifflante à force de passion, je ne t’aime pas ! Eh bien, écoute ce que je ne t’ai jamais dit, mais ce qui déborde malgré moi de mon cœur et de mes lèvres : il y a bien longtemps, j’ai tout quitté, mon pays, le coin de terre où ma mère dormait de l’éternel sommeil, la famille qui m’aimait et qui me réclamait, pour obéir au dernier vœu d’un mourant. À ce lit de mort, j’avais juré de consacrer ma vie au devoir, au sacrifice, au dévouement dans ce qu’il y a de plus illimité, et cela afin de payer un dévouement, une affection, une délicatesse qui ne reculaient devant aucune difficulté.

Pour être fidèle à ce serment, j’ai commencé par