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moi, lorsque c’est vous qu’on méconnaît, qu’on accuse, qu’on torture, vous Marianne ! vous ! vous !…

En disant ces mots, il la regardait bien en face ; le pâle rayon de la lampe éclairait son beau visage fatigué, ses grands yeux cernés brillaient pleins de fièvre ; Jacques tressaillit des pieds à la tête.

En voyant ce que deux mois de luttes et d’angoisses avaient fait de sa fiancée jadis si belle et si fière, il eut un mouvement de désespoir indicible, deux larmes brûlantes roulèrent sur ses joues.

— Ah ! les misérables ! s’écria-t-il avec un accent de haine et d’énergie impossibles à rendre, qu’est-ce que je leur ferai donc pour payer ces souffrances-là ? Les lâches !… Elle était seule au monde, comme ils en ont profité !…

Il voulut saisir ses mains, mais elle le repoussa légèrement, et surmontant son émotion :

— Connaissez-vous l’enquête, mon ami ? demanda-t-elle. Savez-vous la conclusion des experts ? Avez-vous parlé à M. de Boutin ?

— Oui, j’ai tout vu, tout lu, tout appris.

— Et… que concluez vous ?

La voix de Marianne était mourante.

Jacques, cette fois-ci, prit par force sa petite main froide et crispée.

— Ce que j’ai toujours pensé et toujours dit : que vous êtes la créature la plus parfaite et la plus sainte qui soit sur terre ; que vous êtes grande et généreuse comme ces martyres qui, pour une idée, s’en allaient, aux premiers jours du monde, mourir dans les arènes romaines ; que si, depuis longtemps, mon amour n’avait pas atteint les dernières limites, je vous aimerais encore plus que par le passé. Oui, Marianne, je suis fier de vous ; et c’est à mon bras, au bras de votre mari, de