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dame d’Auvray, et plus tard nourrice de Marguerite, n’avait jamais caché la profonde affection qu’elle ressentait pour la prévenue.

Depuis son arrestation, Cadette avait tenté l’impossible pour la revoir et, dans son ignorante tendresse, avait fait bien des démarches pour aller la servir en prison.

Son témoignage n’était donc pas suspect.

Elle affirmait avoir vu Marianne laver elle-même, avec un soin extrême, le parquet de la chambre du malade, chaque fois que celui-ci était pris de vomissements spontanés, surtout dans les derniers jours de la maladie.

— Une seule fois, dit-elle, j’ai voulu éviter à mademoiselle cette corvée des plus répugnantes, mais elle m’a brusquement repoussée et s’est presque mise en colère.

— Mademoiselle témoignait-elle de l’affection à M. de Sauvetat, demanda le procureur ; était-elle avec lui caressante et empressée ?

— Oh ! pour cela, oui, Monsieur ; et je le sais même mieux que personne, car une nuit que je l’aidais à soigner le malade, mademoiselle me croyant endormie parce que j’avais les yeux à demi fermés, s’est approchée du lit ; elle a pris la main du pauvre monsieur et a déposé plusieurs baisers sur son front et ses joues. Alors monsieur lui a parlé, mais trop bas, je n’entendais pas ; il me semblait seulement qu’il lui parlait de notre fille, la petiote. Mademoiselle est restée un grand moment à essuyer son visage et ses cheveux ; enfin elle a répondu à monsieur en l’appelant Lucien, qui était le nom du pauvre défunt, et même elle l’a tutoyé.

Le procureur tressaillit à ces derniers mots :

— Vous êtes sûre de ce détail ? insista-t-il la voix anxieuse.