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mon âme, accourt avec elle ; je me demande alors de quoi je ne serais pas capable pour être plus digne de lui, quel sacrifice sur terre serait trouvé par moi trop grand pour l’entendre me dire par la voix de ma conscience : C’est bien.

Vous étiez bien jeune, lorsque la mort vous a séparée du vôtre, mais cet amour est-il resté, malgré le temps, présent à votre cœur ? Avez-vous conservé ce culte et cette adoration par delà la tombe, comme je les ai gardés moi-même ?

Pouvez-vous, voulez-vous me répondre ?

Marianne était pâle comme si la vie l’abandonnait.

— Mon père était l’honneur incarné, dit-elle enfin lentement ; je l’ai aimé et je l’aime toujours par-dessus toutes choses. Rien en mon cœur ne prendra la place de cette affection, la plus grande de ma vie ; rien n’affaiblira un seul instant ce souvenir adoré entre tous, et personne surtout, ajouta-t-elle plus bas avec une tristesse navrante, ne saura ce qu’il m’en coûte pour lui demeurer fidèle !

Le juge détacha la croix suspendue dans le cadre d’or.

— Au nom de cette preuve de son honneur et de sa loyauté, dit-il, au nom de cet homme tombé peut-être pour la conquérir sur quelque lointain champ de bataille, au nom des larmes qu’il a versées en vous laissant seule dans la vie, au nom de sa dernière bénédiction, je vous adjure, Mademoiselle, de me dire la vérité ! Quelle est la main qui a versé la mort à M. de Sauvetat ? Quelle est la volonté qui a porté le deuil dans cette maison ?

Parlez, continua le juge avec une solennité à laquelle il était presque impossible de résister ; parlez, car je