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tres yeux, alors, parvenus à une telle distance et devenus tellement étrangers, nous sommes aussi capables de le voir nous-mêmes après avoir vécu nous-mêmes de sa propre vie. Nous sentons alors avec assurance : en Wagner le monde visible veut se spiritualiser, s’absorber et trouver son âme perdue dans le monde des sons ; en Wagner aussi le monde des sons veut se faire jour comme phénomène pour la vue, veut prendre corps pour ainsi dire. Son art le conduit toujours par deux voies différentes du monde où domine le son vers le monde de la vision auquel le relient des affinités mystérieuses, et vice versa ; il est continuellement forcé — et l’observateur avec lui — de retraduire le mouvement visible en âme et en vie proprement dite, et de percevoir en même temps comme phénomène visible l’action la plus cachée de l’âme et de lui donner un corps apparent. Tout cela constitue le dramatiste