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se nourrir de poison et de malheur tout en conservant sa force et sa santé. La raillerie et la contradiction du monde qui l’entoure lui servent de stimulant et d’aiguillon ; lorsqu’elle s’égare, elle revient de cet égarement, de ces errements, chargée du plus merveilleux butin ; lorsqu’elle dort, „son sommeil lui rassemble de nouvelles forces.“ Elle retrempe même le corps et le rend vigoureux ; elle ne consume pas la vie en avançant dans la vie ; elle gouverne l’homme comme une passion ailée et ne le laisse voler que lorsque son pied s’est fatigué dans le sable, s’est meurtri aux pierres du chemin. Elle ne peut résister au désir de partager ; chacun doit contribuer à son œuvre ; elle n’est point avare de ses dons. Repoussée, elle donne plus largement ; trompée par les donataires, elle leur donne encore le plus précieux trésor qui lui reste, et au dire de l’espérance le plus ancienne comme de la