Page:Nietzsche - Par delà le bien et le mal.djvu/280

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
280
PAR DELÀ LE BIEN ET LE MAL

et n’en pas démordre : tout ce que l’Europe a connu de noblesse, — noblesse de la sensibilité, du goût, des mœurs, noblesse en tous sens élevés du mot — tout cela est l’œuvre et la création propre de la France ; et la vulgarité européenne, la médiocrité plébéienne des idées modernes est l’œuvre de l’Angleterre.

254.

Aujourd’hui encore, la France est le refuge de la culture la plus intellectuelle et la plus raffinée qu’il y ait en Europe, et reste la grande école du goût : mais il faut savoir la découvrir, cette « France du goût ». Qui en fait partie prend soin de se tenir caché. Il sont peu nombreux, et dans ce petit nombre il s’en trouve encore, peut-être, qui ne sont pas très solides sur jambes, soit des fatalistes, des mélancoliques, des malades, soit encore des énervés et des artificiels, qui mettent leur amour-propre à rester cachés. Ils ont ceci en commun qu’ils se bouchent les oreilles pour ne pas entendre la bêtise déchaînée et la gueulerie bruyante du bourgeois démocratisé. Car ce qui est au premier plan, c’est une France abêtie et devenue grossière, cette France qui, tout récemment, aux obsèques de Victor Hugo, s’est livrée à une véritable orgie de mauvais goût et de contentement de soi. Un autre trait encore est commun aux hommes de la « France du goût » : une volonté bien résolue de