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PAR DELÀ LE BIEN ET LE MAL

hermaphrodites, et celui qui saurait les suivre jusqu’au secret de leur for intérieur aurait quelque peine à y découvrir l’intention de concilier « les sentiments chrétiens » avec le « goût antique » ou avec le « parlementarisme moderne » (rapprochement que l’on trouve même chez des philosophes de notre siècle, siècle dépourvu d’instincts et, par conséquent, très conciliateur). La discipline critique et toute habitude qui mène à la propreté et à la sévérité dans les choses de l’esprit seront exigées par ces philosophes de l’avenir et d’eux-mêmes et des autres ; peut-être la porteront-ils même comme une sorte de parure — et pourtant ils ne voudront pas pour cela être appelés critiques. Il leur semblera que c’est un véritable affront à la philosophie que de décréter, comme on le fait aujourd’hui : la philosophie elle-même est une critique, une science critique — et rien que cela ! Il se peut que cette appréciation de la philosophie obtienne la faveur de tous les positivistes de France et d’Allemagne (il se peut même qu’elle eût flatté le sentiment et le goût de Kant : qu’on se rappelle le titre de ses principaux ouvrages), nos nouveaux philosophes diront malgré tout : Les critiques sont les instruments du philosophe et, comme tels, ce ne sont pas des philosophes ! Le grand Chinois de Kœnigsberg n’était lui-même qu’un grand critique. —