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L’ANTÉCHRIST


même que le symptôme d’un corps appauvri, énervé, incurablement corrompu !… Le mouvement chrétien, en tant que mouvement européen, est créé dès l’abord par l’accumulation des éléments de rebut et de déchet de toutes espèces (— ce sont eux qui cherchent la puissance dans le christianisme). Il n’exprime point la dégénérescence d’une race, mais il est un conglomérat et une agrégation des formes de décadence venant de partout, accumulées et se cherchant réciproquement. Ce n’est pas, comme on croit, la corruption de l’antiquité, de l’antiquité noble, qui rendit possible le christianisme : On ne peut pas combattre assez violemment l’idiotisme savant qui, aujourd’hui encore, maintient un pareil tait. À l’époque où les couches de Tchândâla malades et perverties se christianisèrent dans tout l’Empire romain, le type contraire, la distinction existait précisément dans sa forme la plus belle et la plus mûre. Le grand nombre devint maître ; le démocratisme des instincts chrétiens fut victorieux… Le christianisme n’était pas « national », il n’était pas soumis aux conditions d’une race, il s’adressait à toutes les variétés parmi les déshérités de la vie, il avait partout ses alliés. Le christianisme a incorporé la rancune instinctive des malades contre les bien portants, contre la santé. Tout ce qui est droit, fier, superbe, la beauté avant tout, lui fait mal aux oreilles et aux yeux. Je rappelle encore une fois l’inappréciable parole de saint Paul : « Dieu a choisi ce qui est faible devant le monde, ce qui est insensé devant le monde, ce qui est ignoble et méprisé » : c’est là ce qui fut la formule, in hoc signo la décadence fut victorieuse. —