Page:Nietzsche - Le Crépuscule des Idoles - Le Cas Wagner - Nietzsche contre Wagner - L'Antéchrist (1908, Mercure de France).djvu/312

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
312
L’ANTÉCHRIST


contre soi des « premiers chrétiens ». On ne lit pas le Nouveau Testament sans une préférence pour tout ce qui y est maltraité, — sans parler de « la sagesse de ce monde » qu’un impudent agitateur essaie inutilement de mettre à néant par de « vains discours »… Mais eux-mêmes les pharisiens et les scribes gagnent à avoir de pareils ennemis : ils ont bien dû valoir quelque chose pour être haïs d’une façon si malhonnête. Hypocrisie — c’est là un reproche que les « premiers chrétiens » osaient faire ! — En fin de compte, ils étaient les privilégiés : cela suffit, la haine de Tchândâla n’a pas besoin de plus de raisons. Le « premier chrétien » — de même que, je le crains bien, le « dernier chrétien » — je vivrai peut-être assez longtemps pour le voir encore — se révolte dans ses bas instincts contre tout ce qui est privilégié, — il vit, il combat toujours pour des « droits égaux » !… À y regarder de plus près, il n’a pas de choix. Si l’on veut être soi-même « élu de Dieu », — ou bien « temple de Dieu », ou bien « juge des anges » —, tout autre principe de choix, par exemple d’après la droiture, d’après l’esprit, la virilité et la fierté, d’après la beauté et la liberté de cœur, devient simplement le« monde », — le mal en soi… Morale : chaque parole dans la bouche d’un « premier chrétien » est un mensonge, chacun de ses actes, une fausseté instinctive, — toutes ses valeurs, tous ses buts sont honteux, mais tout ce qu’il hait, tous ceux qu’il hait gagnent en valeur… Le chrétien, le prêtre chrétien surtout est un criterium pour la valeur des choses. Faut-il encore que je dise que dans tout le Nouveau Testament n’apparaît qu’une seule figure qu’il faille