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L’ANTÉCHRIST


en faveur de la corruption, déja constante, dans le sein même des premières communautés. Ce que plus tard saint Paul mena à bien avec le cynisme logique du rabbin n’était pourtant qu’un phénomène de décomposition qui commença à la mort du Sauveur. — On ne peut pas les lire avec assez de précautions ces Évangiles ; ils ont leur difficulté derrière chaque mot. J’avoue, et on m’en saura gré, que, par cela même, ils sont pour le psychologue un plaisir de premier ordre, — le contraste de toute corruption naïve, le raffinement par excellence, la maîtrise dans la corruption psychologique. Les Évangiles doivent être pris à part. La Bible en général ne supporte pas de comparaisons. On est entre juifs : premier point de vue pour ne pas entièrement perdre le fil. Cette dissimulation de soi sous une « chose sainte », tout à fait géniale, jamais atteinte ailleurs, même de loin, dans les livres et les hommes, ce faux monnayage de paroles et de gestes devenu un art, n’est pas le hasard d’un don individuel, d’une quelconque nature d’exception. Ici il faut de la race. Dans le christianisme, l’art de mentir saintement, qui est tout le judaïsme, un apprentissage des plus sérieux et une technique de plusieurs siècles, en arrive à la dernière perfection. Le chrétien, cet ultima ratio du mensonge, est le juif, toujours juif, encore juif, triplement juif… La volonté de n’employer par principe que des idées, des symboles, des attitudes démontrées par la pratique du prêtre, le refus instinctif de toute autre pratique, de toute autre perspective de valeur et de nécessité — ce n’est pas seulement tradition, mais hérédité :