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L’ANTÉCHRIST


ces idées, tout à fait contraires à l’Évangile dont maintenant elle ne pouvait se passer, « le retour du Christ », « le jugement dernier ». —

32.

Encore une fois, je m’oppose à ce que l’on inscrive le côté fanatique dans le type du Sauveur : le mot impérieux que Renan emploie annule à lui seul ce type. La « bonne nouvelle » c’est précisément qu’il n’y a plus de contrastes, le royaume de Dieu appartient aux enfants ; la foi qui se réveille ici n’est point une foi conquise par des luttes, — elle est là, primordialement, dans l’esprit demeuré enfantin. Le cas de la puberté retardée et restée à l’état latent dans l’organisme est familier du moins aux physiologistes, comme symptôme secondaire de dégénérescence. — Une telle foi est sans rancune, ne réprimande pas, ne se défend pas : elle ne porte point « l’épée », — elle ne s’imagine même point qu’elle pourrait séparer un jour, créer des discordes. Elle ne se manifeste point, ni par des miracles, ni par des promesses de récompenses, ni même par les Écritures : elle est elle-même, à chaque instant, son propre miracle, sa récompense, sa preuve, son « royaume de Dieu ». Cette foi ne se formule pas — elle vit, elle se défend des formules. Sans doute le hasard du milieu, de la langue, de l’éducation préalable, détermine un certain cercle de conceptions : le premier christianisme ne se sert que de notions judéo-sémitiques (— le manger et le boire dans la sainte Cène en fait partie, cette idée dont on a si malicieusement abusé, comme de tout ce qui