Page:Nietzsche - Le Crépuscule des Idoles - Le Cas Wagner - Nietzsche contre Wagner - L'Antéchrist (1908, Mercure de France).djvu/232

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
232
LE CRÉPUSCULE DES IDOLES


avaient perdues : irritables, craintifs, inconstants, tous comédiens, ils avaient quelques raisons de trop de se laisser prêcher la morale. Non pas que cela aurait pu servir à quelque chose : mais les grands mots et les attitudes vont si bien aux décadents

4.

Je fus le premier qui, pour la compréhension de cet ancien instinct hellénique riche encore et même débordant, ai pris au sérieux ce merveilleux phénomène qui porte le nom de Dionysos : il n’est explicable que par un excédent de force. Celui qui a étudié les Grecs, comme ce profond connaisseur de leur culture, le plus profond de tous, Jacob Burckhardt à Bâle, a su de suite l’importance que cela avait : Burckhardt a intercalé dans sa Culture des Grecs un chapitre spécial sur ce phénomène. Si l’on veut se rendre compte de l’opposé il suffira de voir la pauvreté d’instinct presque réjouissante chez le philologue allemand quand il s’approche de l’idée dionysienne. Le célèbre Lobeck surtout, avec la vénérable certitude d’un ver desséché parmi les livres, se mit à ramper dans ce monde d’états mystérieux, pour se convaincre qu’il était scientifique, alors qu’il était superficiel et enfantin jusqu’au dégoût, — Lobeck a donné à entendre, à grand renfort d’érudition, qu’au fond toutes ces curiosités étaient de mince importance. Il est en effet possible que les prêtres aient communiqué, à ceux qui participaient à ces orgies, quelques idées qui ne sont pas sans valeur : par exemple que le vin incite à la joie,