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LE CRÉPUSCULE DES IDOLES


mentir. » — Autrement dit : Gardez-vous bien, monsieur le philosophe, de dire la vérité…

43.

À dire à l’oreille des conservateurs. — Ce qu’on ne savait pas autrefois, ce qu’on sait aujourd’hui, ce qu’on pourrait savoir, — c’est qu’une formation en arrière, une régression, en un sens quelconque, à quelque degré que ce soit, n’est pas du tout possible. C’est du moins ce que nous savons, nous autres physiologistes. Mais tous les prêtres, tous les moralistes y ont cru, — ils ont voulu ramener l’humanité à une mesure antérieure de vertu, donner un tour de vis en arrière. La morale a toujours été un lit de Procuste. Même les politiciens ont imité en cela les prêcheurs de vertu : il y a aujourd’hui encore des partis qui rêvent de faire marcher les choses à reculons, à la manière des écrevisses. Mais personne n’est libre d’être écrevisse. On n’y peut rien : il faut aller de l’avant, je veux dire s’avancer pas à pas plus avant dans la décadence (— c’est là ma définition du « progrès » moderne…). On peut entraver ce développement et, en l’entravant, créer une résurrection de la dégénérescence, la concentrer, la rendre plus véhémente et plus soudaine : voilà tout ce qu’on peut faire. —

44.

Mon idée du génie. — Les grands hommes sont comme les grandes époques, des matières explosi-