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LE CAS WAGNER


Meister n’était considéré que comme un symptôme de décadence, comme signe d’une banqueroute morale. La « ménagerie des animaux apprivoisés », l’« indignité » du héros exaspérait Niebuhr par exemple : il finit par laisser échapper une lamentation que Biterolf[1] aurait pu psalmodier : « Rien ne produit plus facilement une impression douloureuse que lorsqu’un grand esprit se coupe les ailes pour exercer sa virtuosité au service d’un objet infime, en renonçant à ce qui est élevé… » Mais avant tout la jeune fille idéale se montrait indignée : toutes les petites cours, toutes les « Wartbourgs » d’Allemagne, de quelque espèce qu’elles soient, se signèrent devant Gœthe, devant l’« esprit impur » qui était en Gœthe. Cette histoire, Wagner l’a mise en musique. Il sauve Gœthe, cela va de soi ; mais, avec une suprême adresse, de façon à prendre en même temps le parti de la jeune fille idéale. Gœthe est sauvé : une prière le rachète, une jeune fille idéale l’élève à elle

— Qu’est-ce que Gœthe aurait bien pu penser de Wagner ? — Gœthe s’est une fois demandé quel était le danger qui menaçait tous les Romantiques : quelle était la destinée des Romantiques. Voici sa réponse : « C’est l’asphyxie par le rabâchage de toutes les absurdités morales et religieuses. » En un mot : Parsifal. — Le philosophe y ajoute un épilogue : La sainteté — peut-être la dernière chose de valeur supérieure qui soit encore visible au peuple et à la femme, l’horizon de l’idéal pour tout ce qui est myope

  1. Personnage du Tannhäuser. — N.d.T.