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LE CRÉPUSCULE DES IDOLES


lui qui le pratique : il peut valoir beaucoup, il peut être indigne et méprisable. Chaque individu peut être estimé suivant qu’il représente la ligne ascendante ou descendante de la vie. En jugeant l’homme de cette façon on obtient aussi le canon qui détermine la valeur de son égoïsme. S’il représente la ligne ascendante, sa valeur est effectivement extraordinaire, — dans l’intérêt de la vie totale qui avec lui fait un pas en avant, le souci de conservation, de créer son optimum de conditions vitales doit être lui-même extrême. L’homme isolé, l’ « individu », tel que le peuple et les philosophes l’ont entendu jusqu’ici, est une erreur : il n’est rien en soi, il n’est pas un atome, un « anneau de la chaîne », un héritage laissé par le passé, — il est toute l’unique lignée de l’homme jusqu’à lui-même… S’il représente l’évolution descendante, la ruine, la dégénérescence chronique, la maladie (— les maladies, en général, sont déjà des symptômes de dégénération, elles n’en sont pas la cause), sa part de valeur est bien faible, et la simple équité veut qu’il empiète le moins possible sur les hommes aux constitutions parfaites. Il n’est plus autre chose que leur parasite…

34.

Chrétien et anarchiste. — Lorsque l’anarchiste, comme porte-parole des couches sociales en décadence, réclame, dans une belle indignation, le « droit », la « justice », « les droits égaux », il se trouve sous la pression de sa propre inculture qui ne sait pas