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LE CRÉPUSCULE DES IDOLES

2.

Renan. — La théologie, c’est la perversion de la raison par le « péché originel » (le christianisme). À preuve Renan qui, dès qu’il risque un oui ou un non d’un ordre général, frappe à faux avec une régularité scrupuleuse. Il voudrait par exemple unir étroitement la science et la noblesse : mais la science appartient à la démocratie, cela saute aux yeux. Il désire représenter, non sans quelque ambition, une aristocratie de l’esprit : mais en même temps il se met à genoux devant la doctrine contraire, l’évangile des humbles, et non seulement à genoux… À quoi sert toute libre pensée, toute modernité, toute moquerie, toute souplesse de torcol, quand, avec ses entrailles, on est resté chrétien, catholique et même prêtre ! Renan possède, tout comme un jésuite et un confesseur, sa faculté inventive dans la séduction ; sa spiritualité ne manque pas de ce large sourire bonasse de la prêtraille, — comme tous les prêtres il ne devient dangereux que lorsqu’il aime. Personne ne l’égale dans sa façon d’adorer, une façon d’adorer qui met la vie en danger… Cet esprit de Renan, un esprit qui énerve, est une calamité de plus pour cette pauvre France malade, malade dans sa volonté. —

3.

Sainte-Beuve. — Il n’a rien qui soit de l’homme ; il est plein de petite haine contre tous les esprits virils. Il erre çà et là, raffiné, curieux, ennuyé, aux