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LE CRÉPUSCULE DES IDOLES


une forte satisfaction de notre passion dominante, le bien-être d’une rare satiété. Ou bien la caducité de notre volonté, de nos désirs, de nos vices. Ou bien la paresse que la vanité pousse à se parer de moralité. Ou bien la venue d’une certitude, même d’une terrible certitude. Ou bien l’expression de la maturité et de la maîtrise, au milieu de l’activité, du travail, de la production, du vouloir ; la respiration tranquille lorsque la « liberté de la volonté » est atteinteCrépuscule des idoles : qui sait ? peut-être est-ce là aussi une sorte de « paix de l’âme »…

4.

Je mets un principe en formule. Tout naturalisme dans la morale, c’est-à-dire toute saine morale, est dominée par l’instinct de vie, — un commandement de la vie quelconque est rempli par un canon déterminé d’« ordres » et de « défenses », une entrave ou une inimitié quelconque, sur le domaine vital, est ainsi mise de côté. La morale antinaturelle, c’est-à-dire toute morale qui jusqu’à présent a été enseignée, vénérée et prêchée, se dirige, au contraire, précisément contre les instincts vitaux —, elle est une condamnation, tantôt secrète, tantôt bruyante et effrontée, de ces instincts. Lorsqu’elle dit : « Dieu regarde les cœurs », elle dit non aux aspirations intérieures et supérieures de la vie et considère Dieu comme l’ennemi de la vie… Le saint qui plaît à Dieu, c’est le castrat idéal… La vie prend fin là où commence le « Royaume de Dieu »…