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une glorification de la vie par elle-même, elle a également besoin de symboles et de pratiques sublimes, mais seulement à cause de son « exubérante plénitude du cœur. » Toute la beauté de l’art, tout le grand art est là : leur essence commune est la reconnaissance. D’autre part on n’en peut abstraire un instinct d’aversion à l’égard des décadents, un dédain, une horreur même pour leur symbolisme : ce sentiment leur sert presque de démonstration. Le Romain supérieur considérait le christianisme comme une fœda supersiitio : je rappelle ici le sentiment que le dernier Allemand de goût supérieur, que Gœthe éprouvait pour la croix. On cherche en vain des contrastes plus précieux, plus nécessaires[1]

  1. Remarque. — Sur l’antagonisme entre la « Morale supérieure » et la « Morale chrétienne », ma Généalogie de la Morale donne les premiers enseignements : il n’y a peut-être pas dans l’histoire des connaissances religieuses et morales de revirement plus décisif. Ce livre, qui me sert de pierre de touche à l’égard de mes pairs, a le bonheur de n’être accessible qu’aux esprits les plus élevés et les plus sévères : le reste manque d’oreilles pour entendre. Il faut mettre sa passion dans des choses où personne ne la met aujourd’hui…