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est la première forme de l’animal plus délicat qui méprise plus facilement encore qu’il ne hait. Sur lui pèsera la nécessité de faire la guerre aux animaux de proie, guerre de ruse (d’ « esprit ») plutôt que de violence, cela va de soi ; — il lui faudra pour cela assumer parfois, sinon le type, du moins la signification d’une bête de proie inconnue, où l’on verra confondues, en une unité formidable et attrayante, la cruauté de l’ours blanc, la patience froide du tigre et surtout l’astuce du renard. Si la nécessité l’y contraint, il s’avancera gravement, à la façon d’un ours, respectable, froid, circonspect, supérieurement trompeur, comme un héraut et un porte-parole de puissances mystérieuses, même au milieu d’autres espèces de bêtes de proie, résolu à semer, autant qu’il le pourra sur ce terrain, la souffrance, la division, la contradiction, n’étant que trop habile en son art de se rendre maître de ceux qui souffrent, en toute occasion. Il apporte avec lui le baume et le remède, sans doute ! mais il a besoin de blesser avant de guérir ; tout en calmant alors la douleur que cause la blessure, il empoisonne aussi la blessure. — Il s’entend particulièrement à cette besogne, ce charmeur, ce dompteur, au contact de qui forcément tout bien portant devient malade et tout