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côté, et Dieu pour gardien. Hybride est aujourd’hui toute notre position en face de la nature, la violence que nous faisons à la nature à l’aide de nos machines et de l’esprit inventif et sans scrupule de nos ingénieurs et de nos techniciens ; hybride notre position vis-à-vis de Dieu, je veux dire d’une espèce d’araignée d’impératif et de finalité qui se cache derrière la grande toile, le grand filet de la causalité, — nous pourrions dire comme Charles le Téméraire en lutte avec Louis XI : « Je combats l’universelle araignée » — ; hybride notre position envers nous-mêmes, — car nous expérimentons sur nous comme nous n’oserions le faire sur aucun animal et, avec satisfaction et curiosité, nous découpons notre âme vive : que nous importe encore le « salut » de l’âme ! Et puis, nous nous guérissons nous-mêmes : l’état de maladie est instructif, nous en sommes persuadés, plus instructif encore que l’état de santé — les inoculeurs de maladies nous semblent aujourd’hui plus utiles que n’importe quels guérisseurs ou « sauveurs ». Nous nous faisons violence à nous-mêmes, c’est certain, nous autres casse-noisettes de l’âme qui posons des problèmes, problèmes nous-mêmes, comme si la vie ne consistait pas en autre chose qu’à casser des noisettes ;