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L’ORIGINE DE LA TRAGÉDIE

plus sérieuse des problèmes éthiques et de l’art, conception que nous pouvons définir en toute assurance comme la sagesse dionysienne exprimée en idées. Que signifie pour nous cette connivence mystérieuse de la musique et de la philosophie allemandes, si ce n’est l’avènement d’une nouvelle forme d’existence dont nous ne pouvons nous faire une idée qu’à l’aide d’analogies helléniques ? Car l’exemple des Grecs conserve pour nous, qui sommes arrivés à la ligne frontière de deux différentes formes d’existence, cette valeur inappréciable que toutes ces luttes et ces évolutions nous sont présentées par lui sous un aspect classique et plein d’enseignement. Il semble seulement que nous revivions analogiquement, en quelque sorte dans l’ordre inverse, les grandes époques décisives de l’Hellénisme et que nous remontions en arrière, par exemple, de l’ère alexandrine jusqu’à l’époque de la tragédie. Nous éprouvons en même temps cette impression que la naissance d’une époque tragique n’aie d’autre signification pour l’esprit allemand que celle d’un retour à sa propre nature, d’une bienheureuse recouvrance de soi-même, après que, durant un long temps, de monstrueuses forces étrangères avaient asservi au joug de leur forme cet esprit abandonné à une informe barbarie. Après avoir désormais retrouvé la source vive de sa véritable nature, il peut oser s’avancer enfin, débarrassé du harnais d’une civilisation romane fier et libre en