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L’ORIGINE DE LA TRAGÉDIE

ou mieux, de l’adéquate objectivité de la Volonté, mais bien l’image immédiate de la Volonté elle-même, et représente ainsi, en face de l’élément physique, l’élément métaphysique du monde, à côté de toute apparence, la chose en soi. On pourrait donc définir le monde aussi bien musique matérialisée que « Volonté matérialisée » et l’on comprend ainsi pourquoi la musique confère aussitôt à tout tableau, à toute scène de la vie réelle, une signification plus haute et cela, certes, avec une puissance d’autant plus grande que l’analogie est plus étroite entre sa mélodie et l’apparence dont il s’agit. C’est ce qui fait qu’il est possible d’adjoindre à la musique un poème comme chant, une description figurée comme pantomime, ou les deux réunis comme opéra. De tels tableaux isolés de la vie humaine, adaptés au langage général de la musique, ne lui sont jamais, de toute nécessité, connexes et corrélatifs ; ils n’ont avec elle d’autre rapport que celui d’un exemple facultatif vis-à-vis d’une notion générale ; ils représentent, grâce à la précision de la réalité, ce que la musique exprime à l’aide de la généralité de forme pure de la sensation. Car les mélodies sont jusqu’à un certain point, comme les idées générales, un abstractum de la réalité. En effet celle-ci, c’est-à-dire le monde des choses concrètes, fournit le perceptible, le particulier et l’individuel, le cas isolé, aussi bien à la généralité des idées qu’à celle des mélodies ; mais ces deux généralités sont à