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L’ORIGINE DE LA TRAGÉDIE

tion et faire connaître aussi les origines et la genèse de notre sentiment, il nous faut maintenant examiner sans détour les phénomènes contemporains analogues ; il faut nous mêler à ces combats qui se livrent, je viens de le dire, dans les milieux les plus élevés de notre monde moderne, entre l’insatiable optimisme de la connaissance et cette tragique aspiration, ce besoin d’un art indispensable. Je négligerai volontairement les autres influences ennemies qui, à toute époque, ont fait tort à l’art et spécialement à la tragédie, et qui, encore aujourd’hui, exercent un ascendant si puissant que, parmi les arts du théâtre, la farce et le ballet, par exemple, dans une floraison quasi luxurieuse, s’épanouissent en répandant des parfums qui ne sont peut-être pas du goût de chacun. Je parlerai seulement du plus illustre antagonisme de la conception tragique du monde, et, par là, j’entends désigner la science, optimiste au plus profond de son essence, avec son ancêtre Socrate en tête. Et ces forces seront aussi appelées par leur nom, qui me semblent le gage d’une renaissance de la tragédie — et quelles autres bienheureuses espérances pour l’esprit allemand !

Avant de nous précipiter au milieu de ces combats, couvrons-nous de l’armure des connaissances que nous venons de conquérir. À l’encontre de ceux qui s’appliquent à faire dériver les arts d’un principe unique, comme la source de vie nécessaire de