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L’ORIGINE DE LA TRAGÉDIE

inférieurs, cette même tendance doit se manifester par un sentiment d’hostilité à l’art, et abhorrer, par-dessus tout, l’art tragique dionysien, comme nous en avons eu un exemple dans la lutte du socratisme contre la tragédie eschyléenne.

Et ici, l’esprit plein de trouble, nous frappons aux portes du présent et de l’avenir : cette « transformation » aboutira-t-elle à de toujours nouvelles métamorphoses du génie, et précisément dans le sens de Socrate s’exerçant à la musique ? Le réseau de l’art, que ce soit sous le nom de Religion ou de Science, enveloppera-t-il le monde de mailles toujours plus fortes et plus délicates, ou est-il destiné à être déchiré en lambeaux dans le tourbillon de barbarie fiévreuse et qui se qualifie à présent de « modernité » ? — Inquiets, mais non sans espoir, nous demeurons un instant à l’écart, esprits contemplatifs auxquels il est accordé d’être témoins de ces luttes et de ces évolutions inouïes. Hélas ! C’est le charme de ces luttes que celui qui les contemple soit contraint aussi d’y prendre part !

16.

Nous avons essayé de démontrer par cet exemple historique comment, aussi sûrement que la tragédie ne peut naître que du seul génie de la musique, elle décline et meurt infailliblement en même temps que celui-ci. Pour justifier cette asser-