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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

ciel et l’enfer sont trop près du sentiment ; puis l’éloquence des passions et des attitudes violentes, de la laideur sublime, des grandes masses et en général de la quantité — comme on en voit déjà les traces chez Michel-Ange, le père ou le grand-père des artistes du style rococo italien — : les lumières du crépuscule, de la transfiguration, ou de l’incendie sur les formes très accentuées ; avec cela sans cesse de nouvelles audaces, dans les moyens et les intentions, fortement soulignées par l’artiste, pour les artistes, tandis que le profane croit voir le perpétuel débordement involontaire de toutes les cornes d’abondance d’un art naturel et primesautier. Toutes ces qualités qui font la grandeur de ce style, ne sauraient se retrouver aux époques antérieures, classiques ou préclassiques, d’une manière d’art, et n’y seraient pas tolérées ; car des choses aussi exquises demeurent longtemps suspendues à leur arbre comme des fruits défendus.— Maintenant surtout, la musique étant en train de passer dans cette dernière phase, on peut apprendre à connaître, ce phénomène du style baroque qui se présente avec une splendeur particulière et, par comparaison, éclairer le passé d’une lumière nouvelle : car, depuis le temps des Grecs, il y a souvent eu un style baroque, dans la poésie, l’éloquence, la sculpture — et chaque fois ce style, bien que la plus haute noblesse lui fît défaut, de même qu’une perfection innocente, inconsciente et victorieuse, a exercé une influence salutaire sur de nombreux artistes de son temps, les meilleurs et les plus sérieux : — c’est pourquoi il y aurait quelque témérité à vouloir le