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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

quand même. — Par conséquent la nature est tout autre chose que ce que nous ressentons en la nommant.

328.

Profondeur et ennui. — Pour les hommes profonds, comme pour les puits profonds, il se passe un certain temps jusqu’à ce que l’objet que l’on y jette atteigne le fond. Les spectateurs qui n’attendent généralement pas assez longtemps s’imaginent volontiers que de tels hommes sont insensibles et durs — ou bien encore qu’ils sont ennuyeux.

329.

Quand il est temps de se faire serment de fidélité. — On s’égare parfois dans une direction intellectuelle qui est en contradiction avec nos talents ; pendant un certain temps on lutte héroïquement contre le flot et le vent, c’est-à-dire contre soi-même ; on se fatigue et on finit par gémir. Ce que nous accomplissons ne nous fait pas un plaisir véritable, car nos succès nous ont fait perdre trop de choses. Il arrive même que l’on désespère de sa fécondité, de son avenir, lorsque l’on est peut-être en pleine victoire. Enfin, enfin, on finit par retourner en arrière — et maintenant le vent s’engouffre dans notre voile et nous pousse dans notre courant. Quel bonheur ! Combien nous nous sentons certains de la victoire ! Maintenant seulement nous savons ce que nous sommes et ce que nous voulons, maintenant nous nous jurons fidélité à nous-mêmes