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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

affreux qui existe entre l’homme secourable et celui qui a besoin de secours. Voilà pourquoi je suis tourmenté par la misère de posséder mon esprit à moi seul et d’en jouir autant qu’il est supportable. Mais donner vaut mieux que posséder : et qu’est l’homme le plus riche lorsqu’il vit dans la solitude d’un désert ? »

321.

Comment il faut attaquer. — Les raisons qui font que l’on croit en quelque chose ou que l’on n’y croit pas sont rarement, et chez très peu d’hommes, aussi fortes qu’elles peuvent l’être. Ordinairement, pour ébranler la foi en quelque chose, on n’a nullement besoin d’amener, sans plus, la grosse artillerie de combat ; chez beaucoup on atteint déjà son but en attaquant avec un peu de bruit, de sorte que les pois fulminants suffisent. Mais contre les personnes très vaniteuses c’est assez d’avoir l’attitude d’une attaque violente : celles-ci se figurent alors qu’on les prend très au sérieux — et elles cèdent.

322.

Mort. — Par la perspective certaine de la mort, on pourrait mêler à la vie une goutte délicieuse et parfumée d’insouciance — mais, vous autres, singuliers pharmaciens de l’âme que vous êtes, vous avez fait de cette goutte un poison infect, qui rend répugnante la vie tout entière !

323.

Remords. — Ne jamais donner libre cours au