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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

exemple, l’aspect du Mont Blanc vu de Genève — c’est quelque chose d’insignifiant quand on n’appelle pas en aide les joies cérébrales de la science ; les montagnes voisines sont toutes plus belles et plus expressives, — mais « elles sont loin d’être aussi hautes », ajoute, pour les diminuer, ce savoir absurde. Dans ce cas l’œil contredit le savoir : comment saurait-il se réjouir vraiment dans la contradiction ?

202.

Touristes. — Ils montent la montagne comme des animaux, bêtement et ruisselant de sueur ; on a oublié de leur dire qu’il y a en chemin de beaux points de vue.

203.

Trop et trop peu. — De nos jours, les hommes vivent tous beaucoup trop et ils pensent trop peu : ils ont tout à la fois la colique et une faim dévorante, c’est pourquoi ils maigrissent à vue d’œil, quelle que soit la nourriture qu’ils absorbent. — Celui qui dit maintenant : « Il ne m’est rien arrivé » — passe pour un imbécile.

204.

La fin et le but. — Toute fin n’est pas un but. La fin de la mélodie n’est pas son but : mais, malgré cela, si la mélodie n’a pas atteint sa fin, elle n’a pas atteint son but. Un symbole.