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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

condition pourrait seule justifier l’application à toute la musique de ce style dans la diction : et cela, en ce sens que la musique serait le reflet de tous les actes humains et aurait, comme telle, à parler sans cesse le langage que le grand pécheur exprime dans ses gestes. Un auditeur qui ne serait pas assez chrétien pour comprendre cette logique aurait, il est vrai, le droit de s’écrier, en face d’une pareille diction musicale : « Au nom du ciel comment le péché est-il entré dans la musique ! »

157.

Félix Mendelssohn. — La musique de Félix Mendelssohn est la musique du bon goût qui prend plaisir à tout ce qu’il y eut autrefois de bien : elle renvoie toujours à ce qui est derrière elle. Comment pourrait-elle avoir beaucoup de choses devant elle, beaucoup d’avenir ! — Mais Félix Mendelssohn voulut-il donc avoir de l’avenir ? Il possédait une vertu qui est rare parmi les artistes, celle de la reconnaissance, sans arrière-pensée : et c’est là aussi une vertu qui renvoie toujours à ce qui est derrière elle.

158.

Une mère des arts. — À notre époque de scepticisme un héroïsme brutal de l’ambition fait presque partie de la véritable dévotion. Il ne suffit plus de fermer fanatiquement les yeux et de courber les genoux. Ne serait-il pas possible que l’ambition d’être à jamais le dernier héros de la dévotion devînt la mère d’une dernière musique religieuse