vue courte nous avons ! Comment pourrions-nous
vivre, à n’importe quel âge de la vie, sans contes
et sans jeux ! Il est vrai que nous donnons d’autres
noms à tout cela et que nous l’envisageons autrement,
mais c’est là précisément une preuve que
c’est la même chose ! — car l’enfant, lui aussi, considère
son jeu comme un travail et le conte comme
la vérité. La brièveté de la vie devrait nous
garder de la séparation pédante des âges — comme
si chaque âge apportait quelque chose de nouveau
—, et ce serait l’affaire d’un poète de nous montrer
une fois l’homme qui, à deux cents ans d’âge,
vivrait véritablement sans contes et sans jeux.
Toute philosophie est la philosophie d’un âge particulier. — L’âge de la vie où un philosophe a trouvé sa doctrine se reconnaît dans son œuvre. Il ne peut empêcher cela, bien qu’il s’imagine planer au-dessus du temps et de l’heure. C’est ainsi que la philosophie de Schopenhauer reste l’image de la jeunesse ardente et mélancolique — elle n’est pas une conception pour des hommes plus âgés ; c’est ainsi que la philosophie de Platon rappelle le milieu de la trentaine, époque où un courant froid et un courant chaud se rencontrent généralement avec impétuosité, soulevant de la poussière et de petits nuages ténus, mais faisant naître, dans des circonstances favorables, lorsque le soleil donne, un arc-en-ciel enchanteur.