Page:Nietzsche - Humain, trop humain (1ère partie).djvu/17

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
15
PRÉFACE


ditionnée par la perspective et son injustice. Il te fallait avant tout voir de tes yeux où il y a toujours le plus d’injustice : à savoir : là où la vie a son développement le plus mesquin, le plus étroit, le plus pauvre, le plus rudimentaire, et où pourtant elle ne peut faire autrement que de se prendre elle-même pour la fin et la mesure des choses, que d’émietter et de mettre en question furtivement, petitement, assidûment, pour l’amour de sa conservation, ce qui est plus noble, plus grand, plus riche, — il te fallait voir de tes yeux le problème de la hiérarchie, et la façon dont la puissance et la justesse et l’étendue de la perspective croissent ensemble à mesure qu’on s’élève. « Il te fallait » — il suffit, l’esprit libre sait désormais à quel « il faut » il a obéi, et aussi quel est maintenant son pouvoir, quel est, maintenant seulement — son droit

7.

C’est de cette façon que l’esprit libre se donne une réponse à l’égard de cette énigme du coup de partie et il finit, en généralisant son cas, par se décider ainsi sur ce qui s’est produit dans sa vie. « Ce qui m’est arrivé, se dit-il, doit arriver à tout homme en qui une mission veut prendre corps et « venir au monde ». La puissance et la nécessité secrète de cette mission agira sous et dans ses destins individuels à la manière d’une grossesse inconsciente, — longtemps avant qu’il se soit rendu compte lui-même de cette mission et en connaisse le