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Pour préparer ces créations, il suffira de continuer à écrire l’histoire au point de vue des masses et de chercher, dans l’histoire, ces lois que l’on peut déduire des besoins de ces masses, c’est-à-dire les mobiles des couches les plus basses du limon social. Pour ma part, les masses ne me semblent mériter d’attention qu’à trois points de vue. Elles sont d’une part des copies diffuses des grands hommes, exécutées sur du mauvais papier et avec des plaques usées ; elles sont ensuite la résistance que rencontrent les grands et enfin les instruments dans la main des grands. Pour le reste, que le diable et la statistique les emportent ! Comment la statistique démontrerait-elle qu’il y a des lois dans l’histoire ? Des lois ? Certes, elle montre combien la masse est vulgaire et uniforme jusqu’à la répugnance. Faut-il appeler lois les effets des forces de gravité que sont la bêtise, la singerie, l’amour et la faim ? Fort bien ! Convenons-en ! Mais alors une chose est certaine, c’est que, pour autant qu’il y a des lois dans l’histoire, ces lois ne valent rien et l’histoire ne vaut pas davantage.

Mais c’est précisément cette façon d’écrire l’histoire qui jouit maintenant d’un renom universel, la façon qui considère les grandes impulsions de la masse comme ce qu’il y a de plus important et de plus essentiel dans l’histoire et qui tient tous les grands hommes simplement pour l’expression la plus parfaite de la masse, la petite bulle d’air qui