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le sens et le but de tout ce qui s’est passé jusqu’ici, comme si sa misère savante équivalait à une réalisation de l’histoire universelle, alors cette croyance apparaîtrait terrible et destructive. De pareilles considérations ont habitué les Allemands à parler d’un « processus universel », et à justifier leur propre époque, en y voyant le résultat nécessaire de ce processus universel. De pareilles considérations ont détrôné les autres puissances intellectuelles, l’art et la religion, pour mettre à leur place l’histoire, en tant qu’elle est le « concept qui se réalise lui-même », en tant qu’elle est : « la dialectique de l’esprit des peuples » et le « jugement de l’humanité » .

On a appelé par dérision cette interprétation hégélienne de l’histoire la marche de Dieu sur la terre, lequel Dieu n’a du reste été créé lui-même que par l’histoire. Ce dieu des historiens n’est arrivé à une claire compréhension de lui-même que dans les limites que lui tracent les cerveaux hégéliens ; il s’est déjà élevé par tous les degrés de son être possible, au point de vue dialectique, jusqu’à cette auto-révélation : en sorte que, pour Hegel, le point culminant et le point final du processus universel coïncideraient avec sa propre existence berlinoise. Hégel aurait même dû affirmer que toutes les choses qui viendraient après lui ne devraient être considérées exactement que comme une résonnance musicale du rondeau universel, plus exactement