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de l’époque impériale devint anti-romain, en regard de l’univers qui était à son service, de même qu’il se perdit dans le flot envahissant des choses étrangères, dégénérant au milieu d’un carnaval cosmopolite de divinités, de mœurs et d’arts, de même il en adviendra de l’homme moderne qui, par ses maîtres dans l’art de l’histoire, se fait offrir sans cesse le spectacle d’une Exposition universelle. Il est devenu le spectateur jouissant et errant, transporté dans des conditions que de grandes guerres ou de grandes révolutions sauraient à peine changer durant un instant. Une guerre n’est pas terminée que déjà elle est transformée en papier imprimé, multipliée à cent mille exemplaires, et présentée comme nouveau stimulant au gosier fatigué de l’homme avide d’histoire. Il paraît presque impossible qu’une note pleine et forte puisse être produite, lors même que l’on ferait jouer toutes les cordes, car aussitôt les sons s’altèrent, pour prendre une fluidité historique, un accent tendre et sans force. Si je voulais m’exprimer au point de vue moral, je dirais que vous ne réussissez plus à fixer le sublime, vos actions sont des coups brusques, elles n’ont pas le roulement du tonnerre. Accomplissez ce qu’il y a de plus grand et de plus sublime, vos actions disparaîtront sans laisser de trace. Car l’art s’enfuit quand les actes s’abritent sans trêve sous la tente des études historiques. Celui qui veut comprendre, calculer, interpréter au