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AURORE

c’est-à-dire d’être possédé d’un profond trouble cérébral. Et, au fond, les règles de vie, de toutes les natures supérieures du moyen âge (les natures religieuses) visent à rendre l’homme capable de visions. Quoi d’étonnant si l’estime exagérée où l’on tient les personnes à moitié dérangées, fantasques, fanatiques, soi disant géniales, ait persisté jusqu’à nos jours ? « Elles ont vu des choses que d’autres ne voient pas » — certainement, et cela devrait nous mettre en garde contre elles et nullement nous rendre crédules.

67.

Le prix des croyants. — Celui qui tient tellement à ce que l’on ait foi en lui qu’il garantit le ciel en récompense de cette croyance, qu’il le garantit à tout le monde, même au larron sur la croix, — celui-là a dû souffrir d’un doute épouvantable et apprendre à connaître les crucifiements de toute espèce : autrement il ne payerait pas ses croyants un prix aussi élevé.

68.

Le premier chrétien. — Le monde entier croit encore au métier d’auteur chez le « Saint-Esprit », ou subit les contre-coups de cette croyance : si l’on ouvre la bible c’est pour « s’édifier », pour trouver à sa propre misère, grande ou petite, un mot de consolation, — bref on s’y cherche et on s’y trouve soi-même. Qu’elle rapporte aussi l’histoire d’une âme