Page:Nietzsche - Aurore.djvu/64

Cette page a été validée par deux contributeurs.
64
AURORE

hommes est née de la lutte contre les maladies, et les remèdes apparents ont produit à la longue des choses plus fâcheuses que ce dont on voulait se débarrasser par leur moyen. Par ignorance, l’on considérait les remèdes stupéfiants et engourdissants qui agissaient immédiatement, ce que l’on appelait des « consolations », comme des curatifs proprement dits. On ne remarquait même pas que l’on payait souvent ce soulagement immédiat avec une altération de la santé, profonde et générale, que les malades souffraient des effets de l’ivresse, puis de l’absence d’ivresse et enfin d’un sentiment d’inquiétude, d’oppression, de tremblements nerveux et de malaise général. Lorsque l’on était tombé malade jusqu’à un certain degré, on ne guérissait plus, — les médecins de l’âme veillaient à cela, ces médecins généralement accrédités et adorés. — On dit, avec raison, que Schopenhauer a de nouveau pris au sérieux les souffrances de l’humanité : où est celui qui s’avisera enfin de prendre au sérieux l’antidote contre ces souffrances et qui mettra au pilori l’inqualifiable charlatanisme dont s’est servi jusqu’à présent l’humanité pour traiter ses maladies de l’âme sous les noms les plus sublimes ?

53.

L’empiétement sur les gens consciencieux. — Ce sont les gens consciencieux et non pas ceux qui manquaient de conscience qui eurent terriblement à souffrir sous la pression des exhortations à la pénitence et de la crainte de l’enfer, surtout s’ils