Page:Nietzsche - Aurore.djvu/54

Cette page a été validée par deux contributeurs.
54
AURORE

impression est à déduire de l’impression rassérénante et exaltante de leurs œuvres. En troisième lieu : les philosophes, une espèce où se trouvent réunies des forces religieuses et artistiques, pourtant de façon à ce qu’un troisième élément s’y puisse placer, l’élément dialectique, le plaisir de disputer ; ils ont été les créateurs du mal au même sens que les hommes religieux et les artistes, et, de plus, par leur penchant dialectique, ils ont produit de l’ennui chez beaucoup d’hommes ; mais leur nombre fut toujours très petit. En quatrième lieu : les penseurs et les ouvriers scientifiques ; ils ont rarement cherché à produire des effets, se contentant de creuser en silence leurs trous de taupe, ce qui fait qu’ils ont suscité peu d’ennui et de plaisir. Étant des objets d’hilarité et de moquerie, ils ont même, sans le vouloir, allégé l’existence des hommes de la vie active. Enfin, la science a fini par devenir quelque chose de très utile pour tous : si, à cause de cette utilité, beaucoup d’hommes prédestinés à la vie active se frayent un chemin vers la science, à la sueur de leur front et non sans malédictions et casse-tête, la foule des penseurs et des ouvriers scientifiques ne porte cependant pas la faute d’un pareil inconvénient : c’est là « de la misère créée par soi-même »[1].

42.

Origine de la vie contemplative. — Pendant les

  1. Vers du célèbre cantique de Paul Gerhardt : Befiel du deine Wege (1656) — N. d. T.