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AURORE

m’importunait ! Mon âme est élevée au-dessus de la vanité des créateurs. — Vous louez cela comme ma résignation ? Je n’ai fait qu’enlever de moi ce qui m’importunait ! Mon âme est élevée au-dessus de la vanité des résignés. »

464.

Pudeur de celui qui donne. — Il y a un tel manque de générosité dans le fait de jouer sans cesse à celui qui donne et répand des bienfaits en se montrant partout ! Mais donner et répandre des bienfaits et cacher et son nom et sa faveur ! Ou bien ne pas avoir de nom du tout, comme la nature aveugle, qui nous réconforte avant tout parce que nous n’y rencontrons plus, enfin ! quelqu’un qui donne et répand ses bienfaits, quelqu’un au « visage gracieux » ! — Il est vrai que vous nous gâtez aussi ce réconfort, car vous avez mis un dieu dans cette nature — et voici que tout redevient sans liberté et plein de contrainte ! Comment ? Ne jamais avoir le droit d’être seul avec soi-même ? Toujours surveillé, gardé, tiraillé, gratifié ? S’il y a toujours quelqu’un d’autre autour de nous, la meilleure part de courage et de bonté est rendu impossible dans le monde. Ne serait-on pas tenté d’aller à tous les diables devant cette indiscrétion du ciel, en face de ce voisin inévitable et surnaturel ! — Mais c’est inutile, ce ne fut qu’un rêve ! Réveillons-nous donc !

465.

En se rencontrant. — A : Où regardes-tu donc ?