Page:Nietzsche - Aurore.djvu/283

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
283
AURORE

302.

Une fois, deux fois et trois fois vrai. — Les hommes mentent indiciblement beaucoup, mais ils n’y pensent plus après coup et n’y croient pas en général.

303.

Passe-temps du connaisseur d’hommes. — Il pense me connaître et il se croit subtil et important lorsqu’il agit de telle ou telle façon dans ses rapports avec moi : je me garde bien de le détromper. Car il me revaudrait cela en mal, tandis que maintenant il me veut du bien, parce que je lui procure un sentiment de supériorité consciente. — En voici un autre qui craint que je ne me figure le connaître et cela lui fait éprouver un sentiment d’infériorité. C’est pourquoi il se comporte à mon égard avec brusquerie et inconséquence et cherche à m’égarer sur son compte, — pour s’élever de nouveau au-dessus de moi.

304.

Les destructeurs du monde. — Celui-ci est incapable d’accomplir telle chose et finit par s’écrier plein de révolte : « Que le monde entier périsse jusque dans sa base ! » Ce sentiment odieux est le comble de l’envie qui voudrait déduire : « Parce que je ne puis pas avoir une chose, le monde entier ne doit rien avoir ! le monde entier ne doit pas être ! »