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AURORE

soutiennent le bon et davantage encore le mauvais renom de l’honnêteté et de la loyauté, pour indiquer qu’ils ont conscience de leur caractère redoutable.

221.

Moralité du sacrifice. — La moralité qui se mesure d’après l’esprit de sacrifice est celle de la demi-sauvagerie. La raison doit remporter une victoire difficile et sanglante dans l’intérieur de l’âme, il y a là à terrasser de terribles instincts contraires ; cela ne peut pas se passer sans une espèce de cruauté, comme dans les sacrifices qu’exigent les dieux cannibales.

222.

Où il faut désirer le fanatisme. — On ne peut enthousiasmer les natures flegmatiques qu’en les fanatisant.

223.

L’œil que l’on craint. — Il n’y a rien que les artistes, les poètes et les écrivains craignent plus que l’œil qui s’aperçoit de leur petite supercherie, qui se rend compte après coup qu’ils se sont souvent arrêtés à la limite, avant de s’adonner à l’innocente joie de se glorifier eux-mêmes, ou de tomber dans les effets faciles ; l’œil qui vérifie s’il n’y a pas des choses minimes qu’ils ont voulu vendre trop cher, s’ils n’ont pas essayé d’exalter et de