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AURORE

tisme pratique de tous les philosophes grecs ? Avons-nous été exercés dans une seule vertu antique, et à la façon dont les Anciens s’y exerçaient ? Notre éducation tout entière ne manquait-elle pas de toutes méditations au sujet de la morale, et combien davantage de la seule critique possible de celle-ci, ces tentatives courageuses de vivre dans telle ou telle morale ? Provoquait-on en nous un sentiment quelconque que les Anciens estimaient plus que les modernes ? Nous montrait-on la division du jour et de la vie et les fins qu’un esprit antique plaçait au-dessus de la vie ? Avons-nous appris les langues anciennes comme nous apprenons celles des peuples vivants, — c’est-à-dire pour parler, pour parler commodément et bien ? Nulle part un savoir-faire véritable, une faculté nouvelle, résultat des années pénibles ! Mais des renseignements sur ce que les hommes savaient et pouvaient faire autrefois ! Et quels renseignements ! Rien ne m’apparaît d’année en année plus distinctement, que le monde grec et antique, malgré la simplicité et la notoriété où il semble s’étaler devant nous, est très difficile à comprendre et à peine accessible, et que la facilité habituelle dont on parle des Anciens est, ou bien de la légèreté, ou bien la vieille vanité héréditaire de l’étourderie. Les mots et les idées semblables nous trompent : mais derrière eux se cache toujours un sentiment qui devrait paraître étrange et incompréhensible au sentiment moderne. Voilà des domaines où des enfants avaient le droit de s’agiter ! Il suffit que nous l’ayons fait quand nous étions des enfants, et