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Celui-là était froid dans ses relations et il choisissait avec discernement. Mais d’un seul coup il a gâté sa société pour toujours : Il appelle cela son mariage.

Celui-là cherchait une servante avec les vertus d’un ange. Mais tout d’un coup il devint la servante d’une femme, et maintenant il lui faudrait devenir ange lui-même.

J’ai trouvé maintenant tous les acheteurs pleins de sollicitude et ils ont tous des yeux rusés. Mais même le plus rusé achète sa femme à l’aveuglette.

Beaucoup de courtes folies — c’est là ce que vous appelez de l’amour. Et votre mariage met fin à beaucoup de courtes folies, pour en faire une longue bêtise.

Votre amour de la femme et l’amour de la femme pour l’homme : oh, que ce soit de la pitié pour des dieux souffrants et voilés ! Mais presque toujours deux bêtes se devinent.

Cependant votre meilleur amour n’est qu’une métaphore extasiée et une douloureuse ardeur. Il est un flambeau qui doit vous éclairer vers des chemins supérieurs.

Un jour vous devrez aimer au-dessus de vous ! Apprenez donc d’abord à aimer ! C’est pourquoi il vous fallut boire l’amer calice de votre amour.

Il y a de l’amertume dans le calice, même dans le calice du meilleur amour. C’est ainsi qu’il te fait désirer le Surhumain, c’est ainsi qu’il te fait soif, à toi le créateur !

Soif du créateur, flêche et désir du Surhumain : dis-moi, mon frère, est-ce là ta volonté du mariage ?

Je sanctifie une telle volonté et un tel mariage. —

Ainsi parlait Zarathoustra.

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