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Mais Zarathoustra lui-même, abasourdi et distrait, se leva de son siège, regarda autour de lui, se tenant debout, étonné, il interrogea son cœur, réfléchit et demeura seul. « Qu’est-ce que j’ai entendu ? dit-il enfin, lentement, que vient-il de m’arriver ? »

Et déjà le souvenir lui revenait et il comprit d’un coup d’œil tout ce qui s’était passé entre hier et aujourd’hui. « C’est là la pierre, dit-il en se caressant la barbe, c’est que j’étais assis hier matin : et c’est là que le devin s’est approché de moi, c’est là que j’entendis pour la première fois le cri que je viens d’entendre, le grand cri de détresse.

Ô hommes supérieurs, c’est votre détresse que me prédisait hier matin ce vieux devin, —

— c’est vers votre détresse qu’il voulut m’éconduire et me tenter : ô Zarathoustra, m’a-t-il dit, je viens pour t’induire à ton dernier péché.

À mon dernier péché ? s’écria Zarathoustra en riant avec colère de sa propre parole : qu’est-ce qui m’a été réservé comme mon dernier péche ? »

— Et encore une fois Zarathoustra se replia sur lui-même, en s’asseyant de nouveau sur la grosse pierre pour réfléchir. Soudain il se redressa : —

« Pitié ! La pitié avec l’homme supérieur ! s’écria-t-il et son visage devint de bronze. Eh bien ! Cela — a eu son temps !

Ma passion et ma compassion — qu’importent d’elles ? Est-ce que je recherche le bonheur ? Je recherche mon œuvre !